La nutrition personnalisée : enjeux d’avenir

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Les premiers liens aliments-gènes-santé se dévoilent, et montrent une protection particulière d’aliments contre certaines maladies pour certaines formes génétiques. Il apparaît que certains aliments pourraient ainsi compenser des formes génétiques défavorables. Plusieurs questions se posent.

La nutrition personnalisée est-elle crédible et efficace ?

En nutrigénétique, pour l’étude des effets sur la santé, on ne dispose quasiment que d’études d’observations qui n’ont pas valeur de preuve, à la différence des études expérimentales. Mais elles deviennent convaincantes quand elles sont nombreuses et convergentes, notamment par rapport au bénéfice escompté : éviter des maladies majeures, sans risques ou effets secondaires et avec un coût nul (sinon celui du test) puisqu’il faut bien se nourrir. Mais il est vrai que la notion d’étude « convaincante » peut faire débat en l’absence d’études expérimentales sur les effets santé eux-mêmes.

La nutrition personnalisée n’est pas une solution miracle pour rester en bonne santé, mais un allié appréciable.

Aliments ou compléments alimentaires ?

Mais ces études doivent aussi être bien interprétées. Si un nutriment a été identifié comme protecteur à partir d’aliments, et non de compléments alimentaires, c’est bien l’aliment qui est efficace, la question se posant pour le complément. C’est un point essentiel car des études expérimentales ont montré déjà que le zinc, la vitamine E, le sélénium, le béta-carotène étaient sans effets voire dangereux en complémentation dans plusieurs indications, alors qu’ils étaient protecteurs en provenance d’aliments. En revanche, si un complément a été testé et reconnu efficace comme pour la vitamine B9 lors la grossesse, ou les antioxydants dans le cadre de la DMLA, il doit être considéré comme tel en pratique.

Enjeux économiques et conflits d’intérêts éventuels

Des producteurs de compléments nutritionnels peuvent voir dans la nutrigénétique une opportunité de relancer leurs ventes, en identifiant un nouveau marché. Ceci nécessite donc qu’on ait observé ou prouvé que les nutriments sous forme de compléments sont bien efficaces chez les personnes concernées.

Les fabricants de tests génétiques voient bien sûr aussi un nouveau marché, pouvant influencer certaines études. Une passe d’arme par littérature scientifique interposée a eu lieu concernant la DMLA. Un premier groupe d’experts avait conclu à la suite d’une étude expérimentale que les antioxydants en compléments (formule « AREDS2 », pour laquelle certains protagonistes ont des intérêts), devaient être prescrits dans les formes peu avancées de DMLA, pour ralentir l’évolution ; ceci s’est traduit en recommandations officielles. Une autre équipe, liée à des fabricants de tests de dépistage, a ré-analysé cette étude selon les gènes et conclut que les compléments n’étaient efficaces que chez les porteurs de gènes altérés, voire étaient défavorables chez les autres. D’où la nécessité de réaliser des tests pour décider qui traiter. En réalité, la façon de grouper les patients peut faire appel à différentes combinaisons, et aboutir à des résultats différents. La situation est ambiguë, et l’Académie Américaine d’Ophtalmologie n’a pas jugé nécessaire de recommander, ici, les tests génétiques .

Recommandations et équilibre alimentaire général

Concrètement, un conseil en nutrition personnalisée pourrait amener à « forcer » sur des aliments particulièrement sensibles pour une personne donnée ; il ne s’agit pas de déroger à une alimentation équilibrée, source générale de bienfaits, mais de s’assurer qu’on n’oublie pas une famille particulière d’aliments et qu’on la consomme suffisamment. Le fait de savoir qu’un nutriment est crucial pourrait apporter une plus forte motivation pour couvrir ce besoin.

Plus intéressant encore, en tenant compte des connaissances, des habitudes, des goûts et des envies de chacun, est l’occasion de découvrir le fonctionnement des aliments sur l’organisme, de comprendre les besoins nutritionnels, et de créer son bien-être à soi. Et retrouver les clés d’une alimentation protectrice naturelle, avec une dimension de précision de haute technologie.

Mais vous n’avez peut-être pas vraiment envie d’apprendre que vous êtes (ou non) dans le top 20% d’un groupe qui a les gènes les moins favorables pour une maladie, ou entrer dans les détails de vos gènes détoxifiants ? Vous ne perdrez rien à suivre de toute façon une alimentation de type méditerranéen avec des fruits et légumes variés, qui apporte toutes les catégories de nutriments protecteurs et limite les excès. Comme M. Jourdain découvrait qu’en parlant il faisait de la prose sans le savoir, une alimentation équilibrée protège le bien-être et la vie sans qu’on rende compte.

Les questions éthiques

Pour chaque gène considéré, le bénéfice proposé par l’aliment doit être validé ; il ne peut y avoir annonce d’un gène à risque que s’il y a une proposition correctrice efficace. Les tests ne peuvent être réalisés que sur demande volontaire de la personne concernée et ne doivent pas être anxiogènes. La confidentialité doit être totale dans le cadre du secret médical. Aucun tiers, assurances, employeurs, ne pourrait être fondé à demander les résultats.

En pratique

Comme tous les tests de dépistage génétique en France, ceux ayant trait à la nutrition personnalisée ne sont pas en vente libre. Les tests génétiques doivent être accompagnés médicalement. Ceux qui sont disponibles sur internet sont plus ou moins fiables. Une charte aux Etats-Unis recommande que des critères de validité technique, clinique, d’utilité clinique et de respect de l’éthique soient respectés pour les tests de dépistage génétique. Aujourd’hui, on est aux portes de l’utilisation courante de ces tests.