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Les enfants mangent-ils vraiment trop de viande et de produits laitiers ?

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En un clin d’œil

Un récent rapport appelle à réduire les protéines de sources animales (carnées, laitières…) chez les enfants, au motif que la consommation en protéines est excessive et pourrait générer de l’obésité. Ces sources alimentaires animales doivent-elles vraiment être réduites, voire écartées ? Certes, un excès de viande rouge, de charcuteries et de graisses saturées est défavorable à la santé, en opposition à une prise élevée de fruits, légumes et légumineuses, huiles végétales insaturées.

Ceci étant, le dépassement des recommandations en protéines est très courant et en réalité sans conséquences défavorables. Surtout, les aliments d’origine animale apportent des nutriments indispensables que l’on ne trouve peu ou pas dans les sources végétales : iode, calcium, zinc, fer de bonne biodisponibilité, vitamines B12, D, oméga-3 type marin.

Des déficits en ces nutriments, notamment en cas de régime végan, peuvent en outre être associés à des troubles du développement des fonctions intellectuelles chez l’enfant ou au vieillissement cérébral chez l’adulte, voire même de la dépression.

Il existe donc une marge pour la réduction de sources alimentaires animales, surtout riches en graisses saturées ; mais cette réduction ne doit pas être faite au détriment de la couverture en nutriments essentiels, et doit donc être modérée.

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Régimes végétariens et végan : les avantages sur la santé

Comme l’indique le rapport de Greenpeace, les régimes végétariens apportent souvent un certain avantage contre les maladies cardiovasculaires, diabète, obésité et cancers, comparés au régime des omnivores. Mais les régimes végétariens représentent un monde : pesco-végétarien (avec poisson), lacto-ovo-végétarien, végan, semi-végétarien. Et selon les études, chacun d’entre eux peut présenter, ou non, un avantage.

Par ailleurs, si les omnivores de ces recherches ont une alimentation particulièrement déséquilibrée, riche en graisses saturées, sucres ajoutés et céréales raffinées, pauvre en fruits et légumes, cela accentuera encore l’écart entre régime omnivore et  régimes végétariens. Pas simple donc d’identifier précisément les éléments protecteurs. Mais l’apport élevé en fruits et légumes, limité en graisses saturées, l’indice de masse corporel souvent plus bas des végétariens sont des points forts de ces régimes.

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Le dépassement des recommandations en protéines n’est pas un problème de santé publique.

En réalité, consommer plus de protéines que recommandé, comme en pratique courante, est sans conséquences pour la santé. En  France, si les protéines apportent 14, 16 et 17% de l’énergie quotidienne des enfants, adolescents et adultes (rapport INCA 3), la marge d’une consommation satisfaisante est large : 10 à 27% des apports en énergie pour les adultes (ANSES, Agence Française pour l’alimentation). Au niveau européen, après étude, l’EFSA n’a pas jugé utile de déterminer une limite supérieure de sécurité pour les protéines. Aux USA, l’IOM (Institute of Medicine) porte la limite de sécurité de la consommation en protéines à 35%. Ces limites -éventuelles- en protéines laissent donc une grande marge de sécurité par rapport aux consommations courantes.

Pour les enfants plus précisément, qui consomment aussi plus de protéines que les recommandations minimales, l’agence européenne EFSA estime que les études sur les produits laitiers et l’obésité chez les enfants jusqu’à deux ans sont insuffisantes pour poser une limite supérieure pour la consommation de protéines. Et en fait, la prise de produits laitiers est même plutôt associée à une réduction de poids dans l’enfance et à l’âge adulte.

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Déséquilibre nutritionnel pour le régime végan

Les protéines ne sont donc pas un bon prisme pour bâtir l’équilibre nutritionnel. En réalité, viande, poisson, œufs et produits laitiers apportent des nutriments essentiels que l’on ne retrouve pas ou peu dans les sources végétales. Et dont le déficit a des conséquences dommageables pour la santé. Certes, comme l’indique le rapport de Greenpeace, les végétaux sont des sources principales de vitamines E et C, de magnésium et de potassium et de polyphénols. C’est néanmoins inexact pour les vitamines B car les végétaux n’apportent pas de vitamine B12, et par ailleurs très peu d’oméga-3 type marins.

Reste encore l’iode apporté par les produits de la mer, les produits laitiers et le sel complémenté en iode : le régime végan est ainsi carencé en iode. Enfin, la vitamine D, souvent déficitaire dans la population générale, l’est encore plus chez les végétariens. Le fer de source végétale est moins bien assimilé que le fer de source animale : aux USA, des comités d’experts considèrent que les besoins des végétariens en fer sont multipliés par 1,8 ; On observe aussi que la carence en fer est plus élevée chez les végétariens. Finalement, chez les pesco végétarien, l’atteinte de l’équilibre alimentaire ne pose pas de problèmes particuliers ; les lacto-ovo végétariens risquent de manquer particulièrement d’oméga-3 marins, s’ils n’ont pas de capacités génétiques à en fabriquer. Mais les végans seront carencés en tous les nutriments indiqués ci-dessus, ce qui est problématique, à fortiori chez les femmes enceintes. Chez eux, une complémentation nutritionnelle est nécessaire, et ils doivent être alertés de ce besoin.

 

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Toutes les sources végétales ne se valent pas

Enfin, toutes les sources végétales ne se valent pas, comme une étude l’a bien démontré. Une alimentation riche en céréales complètes, fruits, légumes, légumineuses et noix, huile, thé et café) est bien associée à une baisse de maladies coronariennes (-25% entre fortes et faibles consommations) ; en revanche avec une prise importante d’autres sources végétales comme des jus et boissons sucrées, céréales raffinées, pommes de terre et frites, bonbons on observe au contraire une augmentation de risque de 32%. En pratique, une très récente étude australienne montre que 35% de l’énergie des enfants provient d’aliments gras et sucrés de source végétale comme gâteaux, biscuits, pommes de terre frites, boissons sucrées, etc. Il est donc nécessaire d’orienter les recommandations prioritairement sur une limitation de ce type de produits et de viandes rouges et charcuteries, sur la promotion des fruits et légumes plutôt que la restriction de l’ensemble des protéines animales.

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Régime végan, effets sur les fonctions intellectuelles et la dépression

Fonctions intellectuelles

Chez des enfants ou adolescents exposés à un régime végan, soit au cours de la grossesse de la mère soit personnellement,  des chercheurs ont observé un moins bon développement intellectuel que chez les autres enfants, en lien avec un déficit en vitamine B12. Chez des personnes âgées, un déficit en vitamine B12 est associé à une accélération du vieillissement du cerveau.

Dépression

Plus récentes sont quelques observations sur les régimes végans ou apportant de la viande, sur le risque de dépression.  Le lien entre déficit en vitamine B12  et risque de dépression a été identifié depuis longtemps. Une association entre régime végan et augmentation du risque de dépression vient d’être décrite ; et inversement, un risque abaissé avec une consommation de viande, en quantités modérées. Notons que le lien de causalité n’a pas été établi.

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Conclusion : ne pas se tromper d’enjeu

Faut-il réduire la consommation en protéines de source animale dans les cantines ?

Il existe sans doute une marge de manœuvre pour réduire la consommation de ces protéines chez les enfants. Les vrais bénéfices résideraient plutôt dans la limitation d’éventuelles graisses saturées de ces sources carnées, de la viande rouge notamment, que dans la baisse des protéines. La couverture des besoins en l’ensemble des nutriments essentiels doit cependant rester prioritaire. La cantine est-elle le bon lieu pour cette réduction ? Sans doute non, car elle peut être l’opportunité d’assurer ces apports nutritionnels quelquefois onéreux (vitamine B12, oméga-3…) à des enfants de familles peu argentées.

Si on décidait de réduire ces apports encore faudrait-il le faire avec un certain discernement. Se passer de poissons ou produits de la mer est un désavantage, et se priver en plus d’œufs et produits laitiers est hasardeux. Alerter sur les risques de carences afin que les adeptes du végan prennent des compléments est indispensable.

Mais l’essentiel pour la santé des enfants ne réside sans doute pas là. L’enjeu majeur est d’éviter les surcharges en aliments gras et sucrés, de leur donner goût et plaisir à la prise de fruits, légumes et légumineuses, dans le cadre d’un alimentation idéalement de type méditerranéen.

En savoir plus :

Les enfants mangent-ils vraiment trop de viande et de produits laitiers ? Biblio

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Décembre 2017 révisé en Avril 2019 © V de La Guéronnière

 

 

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